Tourisme sxuel - Nécessité ou facilité
L’ « affaire Mitterrand » a ouvert un débat, certes
non pas dans les médias traditionnels,
mais sur la toile. Loin des
hommes politiques français, notamment de gauche,
qui ont joué sans
talent les « Pères la Pudeur » et volé au secours
d’un nouvel ordre moral,
de nombreux internautes n’ont pas manqué de
se poser des questions sur la légitimité
de la prostitution
en général et du tourismesexuel en particulier.
Sur le site, on ne peut plus explicite, « pattayafr. com », la question
est posée :
« Qu’est-ce que le tourismesexuel ? » Avant
de se prononcer,
un forumeur répond à une autre question : « la
prostitution est-elle un mal nécessaire ? »
Pour lui, laprostitution,
du côté des clients, est tout simplement
« une nécessité pour
les uns et une facilité pour les autres.
Et si le tourismesexuel existe,
c’est parce que cette prostitution
est mieux organisée ailleurs,
notamment en Thaïlande.
Le tourismesexuel est une nécessité pour
tous ceux qui ne peuvent plus séduire
et une solution de facilité pour
tous ceux qui ne veulent plus ».
Ils sont nombreux, les internautes ( tous
masculins ) de ce forum à tenir ce discours
qui est également le
leitmotiv de l’écrivain Franck Poupart, auteur de Pattaya Beach,
un extraordinaire roman en forme de pavé dans la mare du politiquement
correct :
«L’homme est au centre de forces internes et externes
qui le dépassent.
Poussé par les pulsations de ses hormones, un
besoin animal de s’accoupler
agite ses désirs inquiets, un besoin
de s’enfiler plus ancien que la race humaine,
plus ancien même que
l’apparition des Vertébrés au secondaire […]
Comme
le disait le vieux Sigmund : à part le cul, tout le reste est annexe. »
Le génie des social-démocraties libérales
a été de domestiquer cette force brute,
primitive, de canaliser
ce bouillonnement puissant vers les caisses enregistreuses
et les comptes d’exploitation
et de persuader l’homme que sa pulsion est un péché.
Or,
cet Occident a trop joué avec ces libidos
comme le serpent s’est
amusé avec la pomme et la sanction est tombée.
« À force
de mettre des femmes nues pour vendre n’importe quel produit de consommation
dans ses publicités, à commencer par des bagnoles,
on s’étonne
de voir les mâles consommateurs prendre les femmes
pour des objets et
les désirer davantage que les voitures
qu’elles sont censées
faire vendre »
En réaction, « la
débandade de l’Occident n’en finit pas de remplir des charters
en érection venus à Pattaya recevoir un peu de réconfort
dans les bras d’autres laissés-pour-compte. »
Le malaise
que dégage pour beaucoup la simple évocation du terme « tourismesexuel »,
viendrait du fait qu’il véhicule le cliché du
riche pervers exploitant la pauvre Cosette,
quand il n’est pas plus simplement
synonyme de pédophilie.
«
Laprostitution dans le milieu de la
jet-set est une pratique courante.
Elle prend souvent des formes moins visibles,
mais s’étale en double page dans les magazines people.
Le déballage
de ces stars quinquagénaires au bras de somptueuses jeunes filles
tout
juste majeures ne choque pas.
Il fait rêver. De plus, il concerne, par
définition, un nombre restreint de personnes.
À l’inverse,
le tourisme sxuel est un phénomène de masse.
L’idée
de savoir que des types moches et pauvres veulent également
se trouver
au bras de jeunes filles superbes est insupportable.
Et à défaut
de les séduire avec du ‘bling bling’,
ils vont se les louer
pour une heure ou une semaine »
« il est réducteur de caricaturer les touristes sxuels comme
des monstres assoiffés de sexe
et n’ayant aucune compassion pour
ces pauvres femmes.
Il est tout aussi réducteur de considérer
les touristes sxuels comme des gens
qui vont à l’autre bout du
monde se faire pigeonner par des femmes qui,
en échange d’une
dose de sexe et d’un zeste d’affection simulée,
leur soutirent
en quelques heures leur argent durement gagné chez eux.
La vérité est
quelque part entre ces deux clichés ».
Enfin, de nombreux internautes
qui défendent le ministre de la Culture
estiment d’une manière
générale que le procès qui lui est fait est des plus hypocrites.
Si le touriste sxuel est un sale type qui exploite la misère du monde,
alors il en va de la totalité des habitants des pays riches.
« Car
personne ne s’émeut que les vêtements, notamment
les marques,
que nous achetons une fortune en Occident, sont produits à bas coût
en Orient par des jeunes filles, souvent des enfants, exploitées et
maltraitées. Acheter une paire de chaussures de marque "made in
Cambodia" à 100 euros la paire fabriquée par une jeune fille
dont le salaire mensuel est de 25 euros, est moralement supportable dans nos
sociétés d’hypocrites »,
estime enfin un internaute
qui conclut sur une touche d’humour :
« Ce que je pense du tourismesexuel ?
C’est peut-être une erreur, oui, un crime non, une faute,
même pas.
Elle est la rencontre de deux besoins.
Et l’argent que
touchent ces filles est bien plus honorable que les milliards
qui sont reversés
aux traders des places boursières par les banques
qui ont récemment
plongé le monde dans une crise sans précédent.
Le monde
entier est prostitution.
Alors pourquoi seule sa forme sexuelle serait-elle
blâmable ?
En Occident, on offre des fleurs.
En Thaïlande, on donne
l’argent des fleurs…
Ce n’est pas plus compliqué que
cela ! »
Parfois, le rôle du méchant n’est pas tenu par celui que
l’on croit.
Une petite analyse de l’actualité en France
montre que même une démocratie
peut avoir plusieurs visages. La
presse satirique déclare avoir entendu Nicolas Sarkozy
vouloir pendre
Dominique de Villepin « à un croc de boucher ».
Il est vrai
que l’affaire Clearstream fait la Une de tous les journaux.
Et pour cause
: chose étonnante pour un président de la République,
Nicolas Sarkozy s’est constitué partie civile contre l’ancien
Premier ministre.
Cette « affaire » entre les deux hommes tourne au vaudeville.
De Villepin a d’ailleurs déclaré qu’il était
la victime de « l’acharnement »
du président de la
République. Rien de moins. Drôle de coïncidence, à 10
000 kilomètres de là,
au Cambodge, Hun Sen avait porté plainte
contre une élue de l’opposition,
il y a quelques mois, pour une
histoire d’honneur également.
En France comme au Cambodge, un « honneur
bafoué » a conduit à opposer
devant la justice les plus
hautes autorités à des personnalités politiques.
Et au
Cambodge comme en France, chacun déclare
« avoir confiance dans
la justice de [leur] pays ».
Autre actualité, la « jungle » de Calais, ce squat tristement
célèbre dans la ville du Nord de la France. Le ministre de l’Immigration,
Luc Besson, a ordonné sa destruction la semaine dernière.
Sous
les zooms des caméras, les pelleteuses sont entrées en action.
Images de destruction des baraques en planches, jets de pierres,
crises de
nerf des expulsés, et tentative d’opposition de quelques associations
de défense des droits de la personne. Les squatteurs qui s’étaient
installés là après la fermeture du camp de Sangatte par
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, ne savent plus
où aller.
Aucune structure n’est en place pour les accueillir.
« Le
Moyen Âge à une heure de Paris », concluait une journaliste.
En regardant ces images sur TF1, d’autres reviennent en mémoire
:
celles publiées il y a quelques mois dans la presse cambodgienne
lors
de l’éviction des squatters des Terres rouges de Phnom Penh.
Mêmes
pelleteuses jaunes, mêmes méthodes expéditives,
même
discours du pouvoir dans les micros des journalistes, mêmes ONG de défense
des droits humains et identique absence de vision à long terme des politiques,
incapables,
ici où là-bas de trouver des solutions à certains
problèmes.
Autre reportage, autres images : des détritus qui s’amoncellent
sous un pont parmi les cabanes de cartons et de tôles des SDF
qui s’entassent
dans des lieux insalubres en plein Paris.
Certains quartiers de Phnom Penh
ressemblent à ces squats comme deux gouttes d’eau.
L’association
de l’Abbé Pierre aurait décompté pas moins de 3
millions
de sans domicile fixe en France. Combien sont-ils à Phnom Penh
?
Au Cambodge, la liberté de la presse est pointée du doigt par
certaines organisations.
En France, la presse est libre, mais les journalistes
utilisent de moins en moins cette liberté.
Beaucoup sont devenus des
marionnettes du gouvernement,
accourant aux « convocations » qui
ont remplacé les anciennes « conférences de presse ».
La communication a souvent remplacé l’investigation.
« On
reçoit désormais des convocations, comme pour se rendre au commissariat.
Et les journalistes courent », raillait un journaliste satirique dans
l’étonnante émission intitulée
« Mon œil »,
le samedi sur France 2.
Pour preuve, la longue interview de Nicolas Sarkozy
en direct de New York, où il se rendait pour participer au G20, a été un
grand moment de complaisance. Cela n’a pas échappé à certaines
plumes de la presse satirique, ni bien sûr aux Guignols de l’info
de Canal Plus, qui n’ont de cesse de critiquer cette connivence devenue
flagrante entre de nombreux médias et le pouvoir.
Au Cambodge, la corruption
est pointée du doigt à tous les niveaux.
Des personnalités
sont accusées de détourner l’argent de l’aide internationale.
Les patrons de grosses entreprises sont accusés de licenciements abusif
s.
En France, pas besoin de frauder.
Les parachutes dorés figurent dans
les contrats, mais le résultat est le même.
« Le P.-D.-G. de l'équipementier automobile Valeo, Thierry Morin,
vient d'être remercié pour "divergences stratégiques" avec
son conseil administration.
Libération révèle qu'il "part
avec 3,2 millions d'euros en poche",
alors que l'entreprise est "aidée
par l'État – à hauteur de 19 millions d'euros – et
supprime 1 600 emplois" », peut-on lire dans la presse.
Last but
not least, 25 kilomètres séparent Narbonne de Béziers.
Les deux villes du Sud sont reliées entre elles par une double voie
qui serpente entre les vignes.
Sur cet axe, pas moins de 25 prostituées
patientent sur le bord de la route, sous un petit parasol, assises sur un fauteuil
en plastique. Soit une prostituée par kilomètre !
Quelle différence
avec les jeunes filles qui vendent leur corps autour du Wat Phnom la nuit venue,
dans les mêmes conditions d’insécurité et d’hygiène
? Aucune.
Sur bien des points, la France ressemble parfois au Cambodge, les
sourires en moins.
Sauf qu’un pays participe au G20,
alors que l’autre
n’est pas prêt d’y être invité !
Tourisme sxuel - Nécessité ou facilité Article paru
dans le Cambodge Soir Hebdo nº 102